Après le décès d’une personne mariée, il est fréquent que son conjoint soit usufruitier de sa succession.
S’il y a un bien immobilier commun, le conjoint se retrouve à la fois usufruitier du bien immobilier (lui donnant notamment le droit de l’occuper) et nu-propriétaire avec les enfants héritiers (à hauteur de moitié pour le conjoint et de moitié pour les enfants).
Si le conjoint survivant est en droit de ne pas vendre le bien immobilier, est-ce pour autant que les enfants, coindivisaires de la nue-propriété, ne peuvent pas exiger de lui de sortir de l’indivision et de procéder au partage immédiatement sans avoir à attendre son décès ? Maître BOURDET a formé cette demande de sortie d’indivision et de partage immédiat pour un enfant à l’encontre du conjoint survivant devant le Tribunal judiciaire du Havre, qui a fait droit à la demande.
Le Tribunal judiciaire du Havre a fait droit à la demande visant à ordonner le partage de l'indivision afférente à la nue-propriété du bien immobilier, et plus spécifiquement de son prix (le bien immobilier ayant été vendu en cours de procédure).
Jugement du 28 mars 2024, Tribunal Judiciaire du Havre :
Extrait du jugement :
- Sur la demande relative à la sortie de l'indivision :
L'article 815 du code civil dispose que "nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision et le pariage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention".
Pour qu'il y ait indivision, les droits en concours sur la même chose doivent être de même nature. En conséquence, il n'existe pas d'indivision entre l'usufruitier et le nu-propriétaire dont les droits sont de nature différente.
En l'espèce, le conjoint survivant a opté pour l'usufruit de l'universalité de la succession du défunt, comprenant notamment le bien immobilier dont il possède la moitié en pleine propriété. En conséquence, l'usufruit de ce bien immobilier repose sur sa seule tête, et n'a pas un caractère indivis. C'est uniquement la nue-propriété des biens successoraux qui se trouvent en indivision entre lui et les enfants du couple.
Le demandeur n'est donc fondé qu'à solliciter la sortie de l'indivision existant sur la nue -propriété du bien immobilier.
Il n'existe pas d'indivision afférente à I’usufruit du bien immobilier, détenu uniquement par le conjoint survivant, la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit ne pouvant s'opérer contre la volonté de l'usufruitier, l'objectif étant de ne pas perturber le droit de jouissance de ce dernier.
Cependant, le tribunal observe que l'ensemble des parties a désormais consenti à la vente en pleine propriété du bien immobilier.
L'article 621 alinéa I du code civil dispose qu’en cas de vente simultanée de l'usufruit et de la nue - propriété d’un bien immobilier, le prix se répartit entre I’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter I'usufruit.